A l’origine, le terme de friche est une métaphore empruntée à l’agriculture qui désigne une terre inculte. Si la friche agricole (terre laissée au repos) est sans nuisance pour l’environnement, la friche industrielle peut provoquer une perniciosité environnante, urbaine. La friche industrielle se caractérise par un espace bâti ou non-bâti, anciennement occupé par une activité industrielle, aujourd’hui désaffecté et laissé à l’abandon. Elle est le témoignage de mutations structurelles et spatiales des activités industrielles. 

Si l’essor de la seconde révolution industrielle date de la fin de XIXème siècle, la France subit une récession économique dans les années soixante dix laissant des sites manufacturiers inutilisés. La mutation progressive des activités industrielles dépendantes de l’économie mondiale devient une problématique dès la moitié de XXème siècle, ce changement amorce un champ d’action et de réflexion pour lutter contre la crise. Les grands ensembles industriels perdent de leur intérêt, réduction de la taille des machines de production, apparition de l’informatique. La concurrence mondiale entraîne la délocalisation de certains secteurs ou simplement la fermeture de sites faute de compétitivité. Ce patrimoine industriel, s’il est un indicateur de changement économique reste néanmoins le témoin historique et culturel d’une industrie florissante révolue. 

La réhabilitation ou rénovation de ces lieux emblématiques amène à repenser l’aménagement du territoire, d’une dévalorisation du tissu urbain, d’un état temporel transitoire à une réhabilitation, ces lieux permettent une liberté créative et inspirent des projets novateurs, mais les contraintes techniques (remise en état des sols, dépollution…), financières (coût des travaux, démolitions, valeurs des terrains), foncières ( propriétaires qui spéculent et refusent de vendre) et réglementaires ( obligations et rigidité de l’urbanisme) ne permettent pas toujours l’aboutissement d’une reconversion pourtant souvent très attendue par les acteurs locaux. Heureusement, certains sites recouvrent un nouveau souffle. Ces lieux d’activité humaine intense, aujourd’hui désœuvrés dans l’attente d’une impulsion d’énergie nouvelle participent à l’élaboration de la ville de demain. Ces friches souvent à proximité des centres-villes, au potentiel spatial (souvent plusieurs hectares) permettent la réalisation de projets d’envergure. Ces reconversions tendent à repenser et à redynamiser le territoire, en Eco-quartiers ou en espaces verts, mais aussi en lieux culturels. 

Nombreux sont les exemples de réversibilité, la gare d’Orsay construite par l’architecte Victor Laloux (1898-1900) pour accueillir les visiteurs et les délégations étrangères pour l’exposition universelle de 1900 est l’une des premières reconversions du patrimoine industriel français. Fermée en 1973, elle est vouée à une destruction pure et simple. Sous la présidence de Valery Giscard D’Estaing après de nombreux projets de réhabilitation, la gare d’Orsay est transformée en musée national. Inaugurée le 9 décembre 1986 par son successeur le président François Mitterand, le musée d’Orsay accueille plus de trois millions de visiteurs par an et participe au rayonnement du patrimoine culturel français. Si certain sites industriels connaissent une métamorphose absolue, certains bâtiments dont la vocation première était dédiée à l’art entrevoient aussi des périodes de friches et de mutations. 

L’American Center pensé par l’architecte Frank O’Gehry est inauguré à Paris en 1994, déménagement du centre culturel du gouvernement américain pour le quartier de Bercy, il ferme ses portes en 1996, faute de trouver un écho auprès du public et ne pouvant plus faire face à des déboires financiers. Est alors envisagé un projet pour une maison de la danse, mais ce dessein est avorté. Le palais de Tokyo initialement prévu pour accueillir la cinémathèque de Paris éprouve lui aussi une période d’indécision politique quant à son devenir sur la scène culturelle. Est entreprise une lourde restructuration de 1999 à 2005, transformant l’American Center en actuelle cinémathèque française depuis le 25 septembre 2005. Il est effectivement ironique de penser que ce bâtiment contemporain ait lui aussi vécu une restructuration, une renaissance.