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Biennale 2019

Matière

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De la matière à la matérialité :

poétique et élaboration d'un discours critique.

MatérialitéMonstration de la matière

Michel BLAZY, Running al fresco, 2015

Michel BLAZY, Running al fresco, 2015

HE Xiangyu, Cola project-extraction (2009-2015)

HE Xiangyu, Cola project-extraction (2009-2015)

Over the Rainbow, Hao JINFANG & Wang LINGJIE

Over the Rainbow, Hao JINFANG & Wang LINGJIE

Pamela Rosenkranz, Evian Waters, 2019. Courtesy de l’artiste et [of the artist and] Karma International, Zurich/Los Angeles ; Miguel Abreu Gallery, New York ; Sprüth Magers, Berlin/Londres [London]/Los Angeles/Cologne. © Blaise Adilon

Pamela Rosenkranz, Evian Waters, 2019. Courtesy de l’artiste et [of the artist and] Karma International, Zurich/Los Angeles ; Miguel Abreu Gallery, New York ; Sprüth Magers, Berlin/Londres [London]/Los Angeles/Cologne. © Blaise Adilon



Translations de matières : du végétal au minéral.

L'installation de Jean-Marie APPRIOU consiste en un déploiement de ronciers à grande échelle. L'agrandissement de la plante invasive se mesure à l'échelle des espaces Fagor pour accueillir le spectateur dans un dédale végétal. La ronce change d'échelle, devient une sculpture ouverte qui se déploie en de amples arceaux concentriques marquant de multiples foyers au sol. Le visiteur peut alors se faufiler entre les vastes arcs spatiaux tracés par les ronciers.

Du végétal, la sculpture impose sa nature artistique par la facture de l'aluminium moulé. Le monde végétal a subi les effets d'une transformation pour devenir un artefact sous le contrôle technique de l'homme. Diamétralement, la ronce arrive là où l'homme n'est plus, dans les espaces abandonnés et laissés pour compte. Elle est le colonisateur principal dans le tiers paysage, elle investit les lieux abandonnés de la friche et se substitue au construit, cohabite avec la ruine, favorise l'absorption des édifices dans une nature vivante et renouvelée relayant les activités humaines.

Jean-Marie APPRIOU fait dialoguer la friche industrielle des usines Fagor avec la tradition de l'esthétique romantique de la ruine. Lointainement les paysages d'Hubert ROBERT ou encore de Giovanni Paolo PANINI s'éveillent dans la promenade. Les ronces nous ramènent à cette végétation côtoyant la ruine, tandis que l'aluminium nous rappelle l'activité des usines, la fabrication et le façonnage.

La sémantique de la matière produit alors ses effets pour nous raconter la rencontre entre le passé de l'activité industrielle et le présent d'une sculpture invasive recouvrant la dalle et la signalétique des anciens chemins des ouvriers. Ainsi les couloirs géométriques se voient contredits par des déplacements dictés par l'orientation organique du monde végétal.

Poésies du chlorure de sodium ou théâtre de la matérialité.

Bianca BONDI transforme l'espace reconstitué d'une cuisine en un laboratoire de chimie théâtralisé. Le spectateur, invité à entrer dans une pièce fermée, découvre un bassin d'eau salée le menant aux espaces et ustensiles d'une cuisine revêtant davantage l'apparence du laboratoire scientifique. Le sel est partout, il imprègne le corps du visiteur par l'odeur, les effluves humides et iodées pénètrent le spectateur comme s'il débarquait dans un marais salin. Cela n'est pas sans rappeler les exhalaisons prégnantes des laboratoires, que les odeurs soient organiques ou chimiques, elles nous happent dans notre activité sensitive par les voies olfactives.

La matière se déploie sous toutes ses formes en arborant de multiples matérialités. En agglomérats grossiers ou en fine poudre, coloré ou brut, le sel habille, recouvre, s'empare de toutes choses pour revêtir de multiples occurrences matérielles. Ainsi les objets et les espaces de la cuisine deviennent le théâtre ouvert de la matière qui continue à se transformer, à se modifier, à changer de visage. Le sodium nous raconte sa vie interne, physique et matérielle, toutes les potentialités liées à ce qui la compose intimement. Elle se dévoile à travers sa matérialité dont l'installation nous montre la poétique variabilité. Ainsi l'ingrédient se déploie en d'innombrables recettes qui s'enchaînent au rythme de l'expansion du produit dans l'espace.

Cette œuvre peut nous rappeler la biennale de 2015, « La vie Moderne », avec la basket « running » murale de Michel BLAZY, Running al fresco. La moisissure cultivée dans le plâtre grâce aux colorants alimentaires imposait une nouvelle temporalité au temps de la course évoqué par la chaussure. La matérialité changeante et variable de l'activité microbiologique invitait le regard à une promenade visuelle dans un paysage à une autre échelle.

Avec Over the Rainbow, Hao JINFANG & Wang LINGJIE recouvraient en 2017, sur une grande surface, le sol du MACLYON d'une couche de microbilles de verre. En une sorte de paysage onirique, la matière répandue sur le sol réfléchissait la lumière environnante pour produire au fil des orientations variables du regard du spectateur des arcs-en-ciel fugaces invitant à réitérer l'expérience du déplacement et du regard.

La matérialité et le discours : la matière comme instrument critique.

Rappelons-nous la proposition de HE Xiangyu, Cola project-extraction (2009-2015) en 2015 dans les espaces du MACLYON. Il s'agissait des résidus de la boisson Coca-Cola obtenus suite à une expérience artistique menée en collaboration avec des ouvriers chinois. Ces derniers ont fait bouillir 127 tonnes de boisson afin d'obtenir une matière noire cristallisée.

La matérialité devient alors un instrument critique, car ce que nous raconte ce résultat matériel, c'est l'engagement des ouvriers pur dénoncer le caractère hégémonique de la marque emblématique du système capitaliste. Le désastre écologique et humain engendré par l'implantation de Coca-Cola dans différents pays maintient depuis des décennies des populations dans un relation de dépendance à la marque. Dans les anciennes colonies les populations se voient dans l'obligation de consommer cette boisson faute d'accès à de l'eau potable. 

Pour cette biennale, Pamela ROSENKRANZ mobilise et orchestre la matérialité comme vecteur critique pour sonder le rapport de l'humain au monde et à son environnement global. Les états de la matière qu'elle met en scène à travers son installation pointe de manière critique le surdéveloppement technologique et l'urgence écologique. C'est l'humain qui est remis en cause en tant que mesure de toute chose. Il s'agit de signifier un renversement où les conséquences engendrées par les diverses activités humaines vont le contraindre ou, plus radicalement, le supplanter.

Les balles de carton de YU-CHENG CHOU accumulées en forteresse mettent en exergue la matérialité du carton. En strates accumulées et compressées ou en compactage géométrique par blocs, la matière raconte au niveau métonymique toutes les activités humaines qui justifient leur présence. Marqués des tampons, frappés des marques d'attestation de leur livraison ou encore portant l'empreinte de manipulations, la matière se montre désactivée d'une fonction révolue, figée et définitivement évanouie dans la fixité des blocs accumulés, rangés, en attente... Vaste cimetière de matière. La figure du carton d'emballage empaqueté et compressé se meut en une synecdoque où le contenu a disparu dans ces vastes espaces, désertés par l'activité ouvrière. Ainsi le matériau maître de l'empaquetage se voit lui-même empaqueté à l'heure où les activités humaines ont cessé. Ces balles accumulées matérialisent la mémoire résiduelle des flux et des mouvements qui ont habité ces espaces. Il n'en reste plus qu'une peau, prête à être enlevée, à être recyclée pour laisser place au désert complet de la friche.

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Bruno Philippot Bruno Philippot
Chargée de mission Arts plastiques à la DAAC de Grenoble

bruno.philippot@ac-grenoble.fr



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