« Ah ! Gudule
Viens m’embrasser
Et je te donnerai
Un frigidaire
Un joli scoutaire
Un atomivère
Et du Dunlopillo
Une cuisinière
Avec un four à verre […]
[…] Et nous serons heureux […] »

La Complainte du Progrès fut enregistrée par Boris Vian en 1955. Les contestataires à la société de consommation et au matérialisme d’une époque qui fut appelée plus tard les trente glorieuses, eurent plaisir à la chantonner lors du Salon des Arts ménagers organisé comme chaque année, l’année suivante, à Paris.

 « Autrefois pour faire sa cour
On parlait d’amour […] »,

se lamente ironiquement l’artiste.

Les « ratatine-ordures, coupe-friture et autre classe-filou » auraient-ils supplanté définitivement les battements de cœur et les ardeurs de l’amour ?

Aux arts ménagers triomphants, il fallait des cathédrales de béton, de métal et de verre, où ronflaient et crissaient les moteurs et les engrenages de machines de tout genre et de tout gabarit.

Une de ces cathédrales fut lyonnaise, et c’était l’une des plus majestueuses dans son genre. Sise au cœur du populeux quartier de Gerland, généreusement implantée sur plus de 4 hectares, avec 73 000 m2 de bâtiments couverts, elle compta dans les années 80 plus de 1 800 ouvriers.

Ainsi furent les usines FAGOR-BRANDT, un des fleurons de l’industrie lyonnaise.

Et la désindustrialisation vint et, avec elle, la fin de l’épopée glorieuse des arts ménagers « made in France » ; d’abord le déclin avec seulement 400 ouvriers dans les années 2000, puis la fermeture définitive en 2015.

Que faire alors de ces friches industrielles : les détruire comme bien d’autres, les réhabiliter, mais pour quels nouveaux usages ?

Finalement, les quatre grandes halles couvrant 29 000 m2 commencèrent une nouvelle vie en devenant un lieu d’expérimentations des cultures contemporaines dès mai 2017 avec les Nuits sonores, puis en accueillant la 15^e édition de la Biennale d’Art contemporain de Lyon du 18 septembre 2019 au 5 janvier 2020.

Le photographe français GROSFAKIR (Nicolas Coutable) sut, à l’occasion des Nuits sonores de mai 2017, rendre compte dans son travail de la monumentalité de ces bâtiments industriels, devenus vides et silencieux, où le temps semblait suspendu ; de ceci de là, quelques chaises abandonnées, des machines laissées pour compte et autres objets d’une activité résolue… .