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Laura GEISLER le 04/10/19
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Laura GEISLER le 30/09/19
Petrit Halilaj © Kamel Mennour
Petrit Halilaj, Shkrepëtima (détail), 2018. Courtesy de l’artiste et [of the artist and] ChertLüdde, Berlin ; kamel mennour, Paris/Londres ; Fondazione Merz, Turin. © Blaise Adilon
Petrit Halilaj, Shkrepëtima (détail), 2018. Courtesy de l’artiste et [of the artist and] ChertLüdde, Berlin ; kamel mennour, Paris/Londres ; Fondazione Merz, Turin. © Blaise Adilon
Petrit Halilaj
Shkrepëtima, 2018 (Éclair)
Installation, sculpture, vidéo de la pièce de théâtre (37 min)
Usines Fagor, Halle 4
Il y a toujours une forme de légèreté dans le travail de Petrit Halilaj. Légèreté liée à l’enfance, cette période de la vie qu’il semble particulièrement chérir et où il trouve l’essentiel de son inspiration. Mais une légèreté qui ne rime pas avec insouciance, car il est né en 1986, au Kosovo, juste avant la chute du communisme, et il a donc connu toutes les tensions politiques et culturelles qui ont ravagé son pays dans les années qui ont suivi. Sa famille a fui la guerre au Kosovo et s’est installée dans un camp de réfugiés, alors qu’il était encore enfant.
L’installation de Petrit Halilaj est située au fond de la Halle 4 et en occupe toute la largeur. La partie gauche présente des rideaux de théâtre rouges organisés sur deux niveaux, et déployés sur toute la profondeur de l’espace d’exposition. Des structures en bois clair munies de passerelles, s’appuient sur les pilons métalliques des Usines Fagor, comme pour limiter un espace scénique. Le deuxième niveau, est marqué par des fonds de scènes peints à la détrempe, en larges touches, qui évoquent les reflets de la lumière sur l’eau. Les couleurs dominantes de ces « fenêtres vers l’ailleurs », le jaune et le bleu, dialoguent avec les piliers métalliques, partie de l’architecture préexistante. A chaque rideau de ce premier niveau est appliqué un ou plusieurs objets de scène : un tambour à broder, une pelote de laine, un fuseau sur les rideaux à gauche, différentes typographies de la lettre A, un tableau d’école, un pistolet et un fusil au centre, un costume de scène suspendu au niveau des fonds peints. Chacun de ces objets correspond à l’une des scènes qui composent la vidéo de Petrit Halilaj, présentée dans un espace de projection à gauche de l’installation. Attirés par le son qui se diffuse, le spectateur franchira les limites de cette espace scénique, pour rentrer « dans les coulisses » de cette installation.
De cette perspective à l’intérieur de l’œuvre, les observateurs s’aperçoivent de la présence de silhouettes en tissu couleur bleu pastel avec des pattes d’oiseaux, qui surplombent la scène et dirigent notre regard vers le coté droit de l’installation. C’est ici que l’artiste rejoint une dimension poétique et onirique. La partie droite de l’installation présente un lit en bois clair disposé sur un podium. Tout autour des branches d’arbres, des planches, des morceaux de tuiles, des briques, du fil de fer, des ocarinas sont comme projetés en l’air. Ces nombreux éléments se propagent comme un nuage qui occupe toute la hauteur de la grande halle Le morcellement présenté par l’installation se retrouve dans la vidéo de la pièce théâtrale, qui a eu lieu en juillet 2018 à la Maison de la culture de Runik, non loin de la ville natale de Petrit Halilaj.
L’un des points de départ de l’œuvre de Petrit Halilaj est un travail de recherche sur le trauma et la manière dont il peut être représenté dans l’art. Le langage synthétique, fragmentaire et poétique de son installation semble être une réponse possible à la violence historique subie par les territoires du Kosovo. Le lyrisme de sa composition arrive ainsi à communiquer à un niveau plus universel, tout en mettant en valeur l’importance de la reconstruction de l’identité personnelle comme partie d’une histoire collective. C’est l’enchevêtrement entre les différents récits personnels et collectifs qui sert de matière à la la construction d’une nouvelle communauté humaine.
Les objets sont suspendus dans les airs, comme dans un rêve. Ou comme si l’artiste avait réussi à figer l’instant dramatique qui suit une explosion. L’esthétique du fragment présenté ici par Petrit Halilaj a une dimension lyrique et tragique à la fois : cet aspect est partie intégrante de son procédé artistique.
RÉFÉRENCES :
Petrit Halilaj est né à Kosterre (Skenderaj-Kosovo) en 1986. Il a vécu la chute du communisme et les tensions politiques et culturelles qui ont ravagé le pays dans les années qui ont suivi. La guerre du Kosovo débute en 1998. A peine adolescent, il est obligé de quitter son pays et de s’installer avec sa famille dans un camp de réfugiés. C’est là qu’il apprend les bases du dessin. A la fois théâtre, bibliothèque, cinéma et coopérative agricole, la Maison de la Culture de Runik a été pendant 30 ans un véritable lieu d’éducation populaire, avant sa fermeture suite à la guerre à la fin des années 1990. NB : La médiatisation de l’œuvre de Petrit Halilaj (notamment sa performance jouée une seule fois au théâtre de Runik en 2018) a permis de sensibiliser le gouvernement au triste abandon de ce lieu de culture, et sa réouverture est aujourd’hui envisagée.
Petrit Halilaj représente une manière délicate de s’intégrer parfaitement au lieu en évoquant la valeur fondamentale de la mémoire comme base pour un nouveau départ. Cette réflexion évoque les Usines Fagor et la tragédie du licenciement de masse de ses ouvriers.
GS Mat et primaire / Collège : Focus sur la partie droite de l’installation : le lit avec les fragments d'objets tout autour
Lycée : Totalité de l’installation. Multiplicité des médiums artistiques, langage fragmentaire, symbolique et poétique, lien avec l’histoire récente, questionner sur la notion d’identité.
Tout public : Ancrer ce qu’on voit dans l’installation à l’histoire de sa création : Petrit Halilaj à Runik, Maison de la culture, nouvelle vie pour ce lieu, rôle de l’art dans ces contextes.
Un article de Rossella Iorio, médiatrice @ la Biennale de Lyon
Laura Geisler
Attachée de relation avec les publics